Avant by Pontalis Jean-Bertrand

Avant by Pontalis Jean-Bertrand

Auteur:Pontalis, Jean-Bertrand [Pontalis, Jean-Bertrand]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Essai, France, Psychanalyse
Éditeur: QcCanZ - ZN
Publié: 2013-02-02T23:00:00+00:00


L’œil de l’esprit

Caspar David Friedrich disait ne pas vouloir « sacrifier aux exigences du temps », signifiant par là qu’il entendait non pas obéir aux modes de son époque mais aller à contre-courant. S’il peignait des paysages, ce seraient des paysages subjectifs, ce serait son arrière-pays intérieur. J’imagine qu’en parlant du temps il visait autre chose qu’une époque, mais le Temps, celui que nous nous représentons communément comme un fleuve qui s’écoule, rapide ou lent selon les heures et les jours, mais qui a un commencement et une fin. C’est de ce temps-là que Friedrich récuse les exigences.

Que regardent-ils, cet homme vêtu de noir, ce moine face à la mer ou cet homme et cette femme embarqués sur un voilier qui les emportera ailleurs, un ailleurs qu’ils ignorent mais auquel ils aspirent tout comme cette jeune femme face à une fenêtre ouverte ? Ils nous tournent le dos et nous, spectateurs des tableaux, nous sommes appelés à voir ce qu’ils regardent. Non, ils ne regardent pas, ils contemplent, et par là même nous invitent à la contemplation : « Ferme l’œil de ton corps pour d’abord voir ton tableau avec l’œil de l’esprit. »

Ce qu’avec les personnages nous contemplons dans le silence (Friedrich se méfiait du langage, surtout des mots écrits, ce « scribouillage »), c’est la mer, ce sont des rochers, des récifs, des falaises de craie, c’est un ciel noyé dans une brume qui dissout les frontières, ce sont des arbres morts, des croix et des cimetières, c’est, comme autour de ce moine solitaire, un vaste espace vide, c’est la lune, c’est un monde qui pourrait très bien se passer de la présence humaine. C’est un temps, c’est un monde infinis. L’art de Friedrich est l’art de l’infini.

Ce monde infini, est-ce le monde d’avant, celui du « savant chaos », celui que figure La Mer de glace – une des plus belles toiles du peintre –, celui d’avant l’apparition de la vie ? Est-ce le monde d’après quand l’homme, cet être fini, voué à la mort, aura disparu de la Terre ? Mais y a-t-il un sens à vouloir différencier l’avant et l’après s’il est vrai que le temps est infini ?

Ce monde que nous n’avons pas créé, il ne nous reste qu’à le contempler pour tenter de nous unir à lui dans sa radicale étrangeté.



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